Avec l'aimable autorisation des éditions
EXCELSIOR PUBLICATIONS, l'article sur les
éoliennes du numéro de septembre 2001 de
Science&Vie.
Jusqu'au 22 juin dernier, le vent ne payait pas bien.
Produire 1 kilowattheure d'électricité
éolienne coûte entre 30 et 35 centimes en
moyenne (0.05 €) (c'est ce qui ressort d'études
menées en France et en Grande-Bretagne). Revendre ce
kilowattheure à EDF permettait d'encaisser environ 33
centimes(0.05€). Le risque était minime, car
l'opérateur national est tenu de racheter leur
production aux exploitants d'éoliennes, mais les
bénéfices l'étaient tout autant. Or
voilà que ce 22 juin le Journal officiel publie un
arrêté du ministère des Finances et du
secrétariat dEtat à l'Industrie fixant
le tarif de rachat par EDF à 55 centimes (0.08€) pour
les cinq prochaines années et à 48 centimes
(0.07€) en moyenne pour les dix années suivantes. Pour développer l'énergie éolienne, ce pays a en effet appliqué une mesure d'obligation d'achat à un prix relativement important, de l'ordre de 50 centimes (0.08€). " Bilan: le vent fournit aujourd'hui 6113 mégawatts (MW) aux Allemands. Ce chiffre recouvre toutefois des situations disparates. L'éolien représente 4 % de la consommation électrique du Schleswig-Holstein, et 0,8 % de celle de la Basse-Saxe. COMBLER LE RETARD FRANÇAIS Sans être vraiment encombré, le marché français de l'éolien compte une vingtaine d'intervenants, qui ont multiplié, ces derniers mois, les projets d'implantation. Pas moins de cent soixante dossiers ont été déposés dans les seules Pyrénées-Orientales! Normal : au courant des négociations avec Bruxelles et des mesures tarifaires incitatives prises en Allemagne, ces différents acteurs avaient senti le vent tourner en leur faveur. Avec EDF dans le rôle du client "captif' pour quinze ans, un prix de rachat leur garantissant d'avance de confortables profits, et les subventions auxquelles ils peuvent prétendre auprès des collectivités locales, ils vont devenir les "rois du pétrole". EDF lui-même n'est pas à plaindre. Certes, il est contraint d'acheter à un prix prohibitif une énergie qu'il revend environ 31 centimes (0.05€) le kilowattheure, mais le surcoût lui est remboursé par un fonds de péréquation auquel participent tous les distributeurs français d'électricité. Alors il joue de bonne grâce son rôle de mécène obligé, en profite pour se faire une image d'électricien "propre", et investit lui aussi dans les fermes éoliennes. La production d'énergie est à son niveau
maximal dès que le vent atteint 10 m/s (soit 36
km/h). Mais les vents forts (au-delà de 14 m/s, soit
50 km/h) perturbent le mouvement des pales et font ainsi
baisser la production électrique. Je suis un vieux militant antinucléaire,
raconte Jean-Paul Delette, porte-parole des Verts dans
l'Hérault. Je suis pour les énergies
renouvelables. Avec elles, pas de dioxyde de carbone, pas de
danger pour les générations futures, pas de
stockage de déchets. L'implantation
d'éoliennes ne peut cependant pas se faire n'importe
où, n'importe quand, n'importe comment. " Il a
créé une association, Bon Vent, qui s'oppose
à trois installations prévues dans le Larzac.
Il ne cherche pas à protéger ses propres
intérêts: Je ne les verrai même pas
d'où j'habite , dit-il. A 50 mètres du centre d'une éolienne émettant 100 décibels (dB), le niveau sonore se situe en général autour de 55 à 60 dB, soit le bruit d'un sèche-linge. A 200 mètres, il atteint 44 dB, ce qui correspond au bruit d'une salle à manger plutôt calme. Deux éoliennes émettent 3 dB de plus qu'une seule; quatre éoliennes, 6 dB de plus qu'une seule. Ces chiffres ne sont que des moyennes, commente Jean-Paul Delette. Ce qui est particulièrement pénible, c'est le grincement des hélices qui tournent en l'absence de vent. , Car elles ne s'arrêtent jamais, même quand il n'y a plus le moindre souffle d'air (En production, elles appliquent comme toute centrale, un couple moteur. En labsence de vent ne pouvant se désolidariser, elles restent entraînées par le réseau. Elles continuent donc à tourner, mais cette fois grâce à lélectricité fournie par le réseau. ). Néanmoins, les lois de l'urbanisme sont claires : pas d'habitations à moins de 400 mètres. Dans bien des cas, c'est suffisant. Aux éoliennes, on reproche aussi de nuire aux oiseaux. Le parc éolien d'Altamont, en Californie, en tue 280 chaque année! Pas de quoi s'étonner: ses 6800 éoliennes forment un véritable mur barrant un couloir de migration. BEAU COMME UNE ÉOLIENNE
? Mais le reproche principal fait aux éoliennes reste la dégradation du paysage. Une donnée subjective, rétorque Jean-Michel Germa. Je reçois des dizaines de lettres disant qu'un champ d'éoliennes, c'est très beau! Certes, mais les éoliennes ont besoin de vent. Et le vent souffle mieux sur de grands espaces, un peu élevés, dégagés. Les meilleurs lieux d'implantation sont donc les zones côtières, les plateaux, les montagnes et les couloirs des grands fleuves, comme la vallée du Rhône. Dans le Larzac, un des sites retenus est une crête d'où l'on peut voir à 100 kilomètres à la ronde, au nord l'Aubrac, à l'ouest les monts de Lacaune, à l'est les Cévennes et le mont Aigoual. Un paysage exceptionnel, raconte Jean-Paul Delette. En Normandie, l'association Bien vivre en Caux se bat pour préserver les falaises de Fécamp des invasions d'éoliennes. Le cap Corse porte déjà treize longs mâts blancs à Ersa, sept autres à Rogliano, et il est envisagé d'en installer encore vingt ou vingt-cinq autres. Jacky Padovani, le maire d'une des communes concernées, San-Martino-di-Lota, y voit une source de développement économique. Entre la taxe professionnelle et le bail, une ferme éolienne rapporterait à sa commune au moins 750000 francs (115000€) par an, soit l'équivalent de 40% de ses impôts locaux. Mais ses administrés préfèrent conserver leur ligne de crête, encore sauvage, et un territoire de chasse que les travaux de terrassement réduiront forcément. Car l'impact des éoliennes sur le terrain peut être important, même si leur emprise au sol est faible. Construction des pistes d'accès, enfouissement des lignes électriques, installation des postes de transformation. . . Les mâts n'arrivent jamais seuls. Dans le Languedoc-Roussillon, pour intégrer harmonieusement les éoliennes dans les milieux naturels et les paysages, la direction régionale de l'environnement a réalisé un schéma des zones d'implantation. Toutes les raisons pour lesquelles les éoliennes pouvaient être indésirables en un lieu donné ont été listées : proximité d'un monument historique, paysage caractéristique, présence d'un couloir migratoire, zone de refuge ou de nidification, habitat d'espèces protégées... Puis chaque lieu a été noté en fonction de ces éléments. Ce document sert de référence lors des nombreux combats entre préfets, associations et constructeurs. En Allemagne et au Danemark, on n'a pas toujours tenu compte de tout cela. Du coup, des associations intentent des procès parce qu'elles estiment qu'un site n'a pas été suffisamment préservé. Même l'agence danoise de l'énergie a attiré l'attention sur le fait que le développement à grande échelle de l'énergie éolienne pouvait avoir un impact extrêmement négatif sur le paysage et l'environnement. Le pays tente désormais de développer les installations offshore. Des éoliennes en pleine mer: voilà sans doute une solution qui pourrait réconcilier tout le monde. Le territoire français, par exemple, possède un gisement éolien de 75 millions de MWh sur terre, mais de 477 millions de MWh en mer. Plus que la consommation nationale d'électricité (457 MWh) ! TotalFinaElf lance un projet de ce type en Belgique. En France, les premières bases éoliennes maritimes pourraient être construites au large de Brest. Mais de telles plates-formes coûtent plus cher que les parcs traditionnels, alors les candidats ne se bousculent pas. A quand la prochaine mesure d'incitation gouvernementale ? . Copyright Denis GROISON/Science&Vie n°
1008-Sep.2001 |